Rencontre existentialiste au « Deux-Magots ».

La scène se passe dans le café « Deux Magots ». Boris Vian entre avec sa trompette, pour prendre un café.Il aperçoit Jean Paul Sartre, de dos, accoudé au bar, prenant son café. Il va donc s’asseoir à un mètre près de lui, pour attirer son attention, tout en faisant mine de ne l’avoir vu. Jean-Paul Sartre tourne sa tête vers Vian un court instant, puis revient à son café. De suite, Vian se retourne vers Sartre attendant qu’il le fasse lui aussi. Sartre se retourne à nouveau. Regard furtif de Vian feignant de ne l’avoir pas reconnu au premier regard.


Vian : Tiens ! Mr Sartre ? (Étonné) Vous ici ?


Sartre : Eh bien, pourquoi cela vous étonne-t-il tant ? Je fréquente régulièrement Les Deux Magots et le Café de Flore.

Vian : C’est que… Je ne pensais pas vous voir là à cette heure.


Sartre : Attendez, votre visage, la trompette… Ne seriez -vous pas le fameux Boris Vian ?

Vian : C’est exact ! Je ne voudrais pas vous déranger, mais j’aurais grand plaisir à partager mon café avec vous.

Sartre : Non, vous ne me dérangez pas. Je serai ravi de discuter avec vous, si cela ne prend pas trop sur votre temps.

Vian : Oh vous savez, la plupart de mon temps, je le passe à l’obscurcir…parce que la lumière me gêne !

Sartre : (souriant) Je reconnais bien en vous un véritable pataphysicien… (Puis, apercevant l’étui de sa trompette) vous allez nous jouer un petit air de jazz ?

Vian : Non, j’aime l’avoir avec moi, mais je ne m’en sers que le soir dans les caves de Saint Germain.

Sartre : J’apprécie beaucoup le jazz, et j’assisterais volontiers à une de vos prestations.

Vian : Vous y serez assurément le bienvenu !

Sartre : Je vous en suis fort reconnaissant. Quel est l’artiste qui vous encourage, vous construit, vous sert d’exemple ?

Vian : Duke Ellington.

Sartre : Oh, j’ai eu ma période Ellington moi aussi vous savez ! Je le respecte beaucoup ! C’est un grand artiste.

Vian : Eh bien vous voyez, vous avez devant vous un admirateur sans borne de ce maître.

Sartre : Je comprends votre passion.

Vian : Sans vouloir vous jeter des fleurs, je dois vous avouer qu’avec l’existentialisme, vous faites partie de mes influences philosophiques.

Sartre : Cela me touche, il est vrai que « Je n’essaie pas de protéger ma vie après coup par ma philosophie, ce qui est salaud, ni de conformer ma vie à ma philosophie, ce qui est pédantesque, mais vraiment, vie et philo ne font plus qu’un…»

Vian : c’est absolument pour cette raison que je vous respecte, dans votre art de vivre selon votre vision du monde.

Sartre : Et vous dîtes que l’existentialisme vous influence ?

Vian : Assurément, vous détenez une part de mon inspiration, et je possède une sorte de folie qui m’est propre. D’ailleurs, maintenant qu’on est là, j’aurais aimé vous parler de mon livre en cours d’écriture, un roman dans lequel un personnage voue une telle passion à un philosophe qu’il en perd le sens de la vie. Je pensais appeler le philosophe Jean-Sol Partre.

Sartre : Ah oui ? J’en suis touché et amusé ! Et quel serait alors mon rôle ?

Vian : Vous serez vous, une sorte d’icône, un prédicateur obscur et cérémonieux maniant la foule (que ce soit les intellectuels, les snobs et ceux qui se prétendent comme tels) en maître vénéré et impérieux…

Sartre : Cela me plaît beaucoup ! Je vous fais entièrement confiance, et je lirai votre manuscrit avec grand plaisir !

Vian : Je ne manquerai pas de vous le faire parvenir.

Sartre : Je vais devoir vous quitter mon cher Boris, mais nous nous reverrons très bientôt. Je m’en vais rejoindre ma compagne. Il finit son café d’une traite.

Vian : Simone de Beauvoir…

Sartre : Elle-même !

Vian : J’en lui ferais bien une place aussi dans mon roman. Nous en reparlerons ensemble. Alors, à très bientôt monsieur Jean-Paul Sartre !

Ils se serrent la main.

Sartre : À très bientôt !

Adrien Cochin (Scène écrite pour le projet final de classe de 1ère L).

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