Les « deux » Boris Vian.

 

Personnages: -Le Trompettiste.

                       -Le Mourant.

 

Le trompettiste: -Ce soir j’irai jouer à St Germain, danser avec les dames et débattre philosophie avec les messieurs.

Le mourant: -Tu veux aller à St Germain? Dans ce quartier où la vie perd de son intensité minutes après minutes?

Le trompettiste: – Que dis-tu? La vie là-bas ne perd pas de son intensité, la vie profite, joue, s’exprime!

Le mourant: -Oui, mais peut-être que tu t’effondreras à ta première note de ta trompette, au premier souffle que tu lui accorderas et …

Le trompettiste (l’interrompant): -Ma trompette, la musique, la danse, la philosophie, la fête, la folie c’est moi, ma vie!

Le mourant: – Mais elle sera là, la grande dame en noir, assise à côté de toi, te regardera. En ce moment elle est là tout près de ton oreille à te narguer, à te tendre ses petits doigts doux et délicieux.

Le trompettiste: – Oui elle est là! Et alors? Je jouerai jusqu’à la fin, jusqu’à ce que mon cœur cesse de battre, jusqu’à ce que mes yeux se ferment et que mon teint blanchisse.

Le mourant: -Tu devrais ne pas la provoquer, tu devrais peut être rester chez toi à te reposer et ménager ta santé peut-être ..

Le trompettiste: – Bien sûr que non! La seule façon pour moi de me reposer c’est de brûler ma vie être fatigué aller jusqu’au bout, où le soleil se lève et la nuit disparaît.

Le mourant: – Tu as encore tellement de choses à faire, des plus banales aux plus extraordinaires, tu as raison, tu n’as pas le droit de partir comme ça du jour au lendemain.

Le trompettiste: -Ce n’est pas que j’en ai pas le droit, c’est que je n’en ai pas le choix, c’est bien pour ça que profiter est ma priorité.

Le mourant: – Le jour où tu quitteras ta vie, ton instrument, tes amis c’est que tu auras été jusqu’au bout?

Le trompettiste: Écoute moi, je n’irai jamais jusqu’au bout c’est impossible ; je croque mes envies à pleines dents mais j’en ai encore tellement qui se bousculent dans ma tête donc non quand je partirai je ne serai pas allé jusqu’au bout…ou alors au bout de mon souffle, mais pas au bout de mes idées.

Le mourant: – Mais alors pourquoi partir, pourquoi toi? As-tu peur?

Le trompettiste: – Dire le contraire serait mentir, oui j’ai peur. Peur de laisser tout derrière moi, peur de rencontrer un autre monde et peur de faire connaissance avec cette personne au regard perçant aux cheveux lisses et au teint de vampire assoiffé.

Le mourant: – Cette peur est une force, et à la cultiver, une fois le moment arrivé, elle disparaîtra par habitude. La mort est omniprésente, tu rêves d’elle, tu vis à travers elle.

Le trompettiste (élevant la voix) : -Mais aujourd’hui j’ai envie de rire, de pleurer, de jouer de la musique, de gueuler, de sentir sa peau sur la mienne, ses lèvres sur mes lèvres, sentir le souffle de ses cheveux, de ne plus dormir de faire la fête, de boire jusqu’à sa venue!

Le mourant: – Et là tu t’en iras …

Anaïs Keurmeur. (Scène pour le projet théâtre de classe de 1ère L).

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